Photographe en pause…

 

On parle souvent de ce que l’on crée. Mais rarement de ce que l’on traverse quand on ne crée pas.

 
Photographie paisible d'un paysage lacustre au bord d'un lac au lever du jour. Une légère brume dorée, des arbres dénudés qui se reflètent dans l'eau.

Le silence dans la brume.

La création dans le creux

Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir de longues périodes de creux où vous ne sortez pas photographier ?
Des jours où l’appareil reste dans sa housse, les chaussures de marche et le sac à dos au placard. Et bien pour moi, ce n’est pas grave.
Ce n’est pas un renoncement. Ce n’est pas non plus un oubli. C’est simplement un temps suspendu.

Dans ma pratique photographique, ces pauses sont devenues des espaces précieux. Des creux fertiles. Des instants où l’on ne crée pas d’image, mais où quelque chose, malgré tout, se prépare.
Ce n’est pas un moment de vide , mais un espace propice a laisser mon imagination travailler différemment pour faire naitre les prémices d’un processus créatif.

Quand le silence travaille à notre place

Il y a dans ces pauses une forme d’écoute profonde. Une manière d’être au monde sans produire, sans capter, sans traduire.
Lorsque je ne sors pas photographier, ce n’est pas parce que je manque d’inspiration, mais parce que j’ai besoin de laisser reposer le regard. Les images naissent souvent bien avant l’acte photographique. Elles prennent racine dans une parole entendue, une lumière entrevue depuis la fenêtre, une sensation fugace en fermant les yeux.

Ce que je vis dans ces instants-là, c’est une forme de patience active. Je me tiens en retrait, mais je reste disponible. Le terrain est intérieur. L’attente devient matière à la création.

Créer, ce n’est pas toujours produire

Notre époque glorifie la régularité, le mouvement. Mais la photographie, telle que je la vis, ne suit pas cette règle-là, ce rythme-là.
Elle emprunte les sentiers du vivant : elle germe, elle pousse, elle traverse les saisons.
Il y a des printemps flamboyants où les idées affluent, où les images s’enchaînent.
Et il y a des hivers. Des temps de gel, de repos, d’invisibilité.

J’ai remarqué, au fil des années, que certaines périodes m’invitent naturellement à cette pause.
Entre décembre et avril, je sors rarement photographier. Depuis que la neige ne tombe plus dans ma région du Nord-Est, le paysage perd un certain éclat hivernal que j’aimais tant capter.
De la même manière, entre juillet et septembre, la lumière devient plus dure, plus tranchée, et moins en accord avec la douceur que je cherche dans mes images.
Alors, je m’accorde ces silences. Ces respirations sont de véritables ateliers intérieurs, où je laisse émerger des idées, affiner mes intentions, nourrir une forme de créativité plus instinctive.

Dans ces phases plus lentes, je ne crée pas. Mais je relis, je trie, je m’imprègne. Je regarde mes anciennes photos avec un œil neuf. Et je retombe sur une image oubliée, une image de second choix et je l’accueil enfin comme une évidence. Comme si elle n’avait pas trouvé sa place au moment de sa naissance, mais qu’elle attendait ce creux pour exister vraiment. Dans ces phases, je continue donc à stimuler ma créativité.

Une pause fertile :

Quand naissent d’autres désirs

Ces périodes de retrait ne sont pas uniquement silencieuses. Elles sont aussi traversées par des élans nouveaux.
Je pense à d’autres images, d’autres récits, comme un jeu d’association libre, qui m’aide à élargir mon regard, mes intentions. Je laisse émerger des idées parfois plus inattendues. Cela me pousse à exercer ma créativité autrement, à sortir de certains automatismes et cultiver un point de vue plus créatif, plus libre.

Image texturez. Route sinueuse bordée d’arbres aux teintes automnales, menant à un ancien viaduc en pierre dans une atmosphère brumeuse, avec des oiseaux en vol sous un ciel dramatique,.

Pictoria-Le silence au Viaduc du Jura : une photographie oubliée pour laquelle j’ai pris le temps de lui redonner un supplément d’âme (un atelier créatif ).

Parfois me vient l’envie de composer une série qui mêlerait l’urbain et le végétal, où la nature s’infiltrerait dans la ville, comme un souffle discret.
Parfois, ce sont des fragments de solitude en ville qui m’interpellent, ou une lumière posée sur un mur de béton.
Ces projets encore flous, en gestation, s’imaginent dans l’introspection.

Je ne suis pas en retrait du monde, je me tourne simplement vers un espace plus intérieur. Là où les images ne sont pas encore visibles, mais commencent à se former, à se rêver.
Ce ne sont pas des pauses d’ennui, mais des pauses de transformation.

Apprendre à ne rien forcer

Être photographe, ce n’est pas seulement savoir déclencher au bon moment. C’est aussi accepter de ne pas déclencher.
De ne pas chercher à remplir le vide.
De ne pas produire pour exister.

Il m’a fallu du temps pour faire la paix avec cette idée.
Au début, les périodes sans sortie me semblaient stériles.
Je culpabilisais presque : « Tu n’es pas photographe si tu ne photographies pas. »
Mais c’était confondre l’acte et l’intention.

Et pourtant…
Attendre reste difficile. Très difficile parfois.
Quand la photographie devient une passion aussi forte, aussi ancrée, elle ressemble presque à une addiction douce.
Une sorte de besoin vital, viscéral. Comme une drogue.
Quand je suis privé de création, il y a comme un manque. Une tension intérieure.
L’envie de retrouver le frisson du déclenchement, le silence suspendu juste avant la prise, la lumière qui me saisit, l’image qui se construit dans le regard.

Mais j’ai appris que ces moments de sevrage apparent sont aussi nécessaires.
Ils rééquilibrent.
Ils m’obligent à être plus vrai, à ne pas créer pour combler, mais pour exprimer mes pensées.

Aujourd’hui, je sais que ma pratique existe même dans l’absence d’images.
Elle se nourrit des silences, des lectures, des observations passives, des rêveries.

Merci d’avoir pris le temps de me lire. N’hésitez pas à me raconter comment vous viviez, vous aussi, ces temps de pause ou d’inspiration silencieuse.

 

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